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27 janvier 2023

Rencontres formation compétences des Outre-mers 2023: le festival des Régions et collectivités ultramarines à Cannes

Photo Centre-Inffo

Lutte contre l’illettrisme et le faible niveau scolaire; offre de formations plus large; suivi au plus près des personnes et de leurs besoins en compétences; renforcement des liens avec le monde économique… Les territoires ultramarins ont dressé un bilan positif de leurs stratégies formation, lors des 3e Rencontres formation compétences des outremers (RFCO), mardi 24 janvier 2022 à Cannes, et l’ont partagé avec l’ensemble des Régions le lendemain de la Commission Formation-Emploi de Régions de France, qui s’est tenue dans la même salle du Palais des Festivals, à l’occasion de l’Université d’hiver de la formation professionnelle-Centre Inffo.

Élu.e.s et services formation des Régions La Réunion et Guadeloupe, des Collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, du Département de Mayotte et de la collectivité de Saint-Martin étaient réunis pour ce temps de partage exceptionnel sur leurs politiques de formation et d’orientation. “Ces journées sont nécessaires car les Outre-mer n’ont pas souvent l’opportunité d’échanger”, a témoigné Karine Nabénésa, Vice-Présidente de la Région La Réunion déléguée  à la Formation professionnelle et à l’apprentissage, devant ses collègues de la commission Formation-Emploi de Régions de France, présidée par François Bonneau. “Ces dernières années, nos Régions ont innové, fait preuve d’adaptation et trouvé des solutions. Des modèles et savoir-faire se déploient outre-mer.  C’est une vraie richesse pour nos territoires, le fruit de compétences et d’expertise.”

“Des solutions différentes sont recherchées selon les territoires, qui ont chacun leur spécificité, mais c’est au service d’une même cause, celle de l’emploi et de la formation”, renchérit Jennifer Linon, présidente de la Commission formation professionnelle à la Région Guadeloupe. Depuis 2018, les pactes ultramarins d’investissement dans les compétences (PUIC), version ultramarine des pactes régionaux cofinancés par l’État et les collectivités, ont eu un réel impact quantitatif comme qualitatif : ainsi, la Guadeloupe a doublé ses entrées en formation.

A la Commission Formation-Emploi de Régions de France, le président François Bonneau entouré des élus des Outre-mers

La journée d’échanges du 24 janvier a permis un partage des bonnes pratiques, en présence de nombreux partenaires et opérateurs (LADOM, Carif-Oref, Pôle emploi, AFPA, Transitions Pro…). Après un point sur les transformations issues de la loi du 5 septembre 2018 par Valérie Michelet, juriste senior à Centre Inffo, deux tables-rondes et deux ateliers étaient proposés.

Trois ans après la loi, quelle stratégie formation dans les territoires ultramarins ?

« En Guyane, du fait de l’étendue du territoire, il y a un problème d’accès à la formation. Ce à quoi s’ajoute la forte immigration et la diversité des langues parlées. Par ailleurs, 50 % de la population est très jeune, le taux de jeunes ni en emploi ni en formation est de 30 %, et l’illéttrisme concerne 33 % de la population », a expliqué Karine Cresson-Ibris, vice-présidente en charge de l’emploi, la formation et l’insertion professionnelle. La CTG compte donc « amplifier les efforts en changeant de méthode », via la construction de tiers lieux d’accès à la formation « dans 12 des 22 communes de la Guyane ». Cette proximité permettra « un travail plus poussé sur l’ orientation et de lutte contre l’illettrisme ». La création d’emplois est favorisée afin que puissent être déclinées des formations en parcours intégrés. « L’innovation consiste à partir de l’emploi et du besoin d’insertion pour aller vers la formation et non l’inverse ».

 

Économie bleue et verte

« En Guadeloupe, nous avons décidé d’être très à l’offensive avec l’individu au coeur du système et une démarche très humanisé », affirme Jennifer Linon, présidente de la Commission formation professionnelle, insertion et apprentissage. Avec l’accumulation de la crise sanitaire, des événements sociaux et climatiques, et de la montée de l’inflation, la région a décidé de « partir des difficultés pour lancer des appels à projet tous les 6 mois, assortis de bilans intermédiaires ». Les objectifs sont de « développer une économie verte, liée aux défis écologiques, et une économie bleue, liée à la mer et au tourisme », et notamment de « faire de la Guadeloupe une île de tourisme de santé, avec offre médicale de qualité ».

Pour lutter contre l’illettrisme, « toutes les agglomérations doivent désormais offrir une formation », le plus souvent montée avec des acteurs locaux, dans une logique de proximité évitant les ruptures.

 

Procédures allégées

Les procédures sont allégées. « Les Missions locales ne passent plus forcément par Pole emploi pour former jeunes. De même pour les Cap emploi vis-vis de la population de travailleurs handicapés ». Les indemnités des demandeurs d’emploi ont été augmentées pour qu’ils ne renoncent pas à la formation pour cause de frais de transports parfois importants sur l’île. « L’innovation est de faire du sur mesure, façon cousu mains, de créer un juste à temps en formation. Le temps administratif n’est pas le temps des gens qui ont besoin de se former, il faut réduire le temps. Par ailleurs, nous avons l’intention de relancer le Crefop (comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnels), et de renforcer l’aide à la création d’entreprise ».

« Mayotte connaît les mêmes problèmes :  illettrisme, immigration, pauvreté. Le taux de chômage est de 30 %, et 30 % de la population a un niveau scolaire bas. », reconnaît Daoud Saindou-Malide, vice-président en charge de la formation et de l’éducation. Le CPRDFOP 2019 prévoit bien « un accompagnement économique du territoire et le fait de former en conséquence, notamment autour des deux grands projets d’agrandissement de l’aéroport, et d’arrivée du gaz du Mozambique », mais tout cela nécessite d’ « améliorer l’efficacité de la formation ». Les objectifs sont donc de « garantir l’accès à un service public de l’orientation », « offrir un premier niveau d’accueil », « adapter les contenus au local », « aller chercher les personnes avec peu de bases », « faire monter en gamme les organismes de formation », « aller vers les gens pour faire formation à la carte, tout en luttant contre les rivalités inter villages ». Il estime aussi qu’il faut « revivifier le Crefop, seul endroit où tous les acteurs sont représentés »« Notre gros problème, conclut-il, concerne les 50 % de la population non française, dont beaucoup de jeunes : que faire pour eux ? ».

Français langue non native

« A Saint-Martin, la nouvelle mandature souhaite aller vers la qualification en formant utile », affirme Dominique Louisy-Démocrite, 3ème vice-présidente en charge du développement humain. Majoritairement anglophone, hispanophone et créole, le public insulaire parle peu le français. « Il nous faut donc faire preuve d’innovation dans nos parcours linguistiques ». Mais l’île manque d’infrastructures en raison des catastrophes naturelles survenues 2017. Les autres objectifs ? « Continuer à aider les petites structures de formation à monter en compétences, 46 personnes de ses structures déjà été formées », « rendre opérationnel le Crefop »; « ouvrir une cité des métiers offrant toutes les infos »; et « construire des formations courtes en concertation avec entreprises ».

 

Orientation et entrée dans la voie professionnelle

 
La deuxième table-ronde de la matinée a réuni, autour de Karine Nabénésa, Cécilia Toss Zulemaro, du service ingéniérie des politiques de formation à la Collectivité territoriale de Guyane, Marie-Claude Belin-Phèdre, représentante de l’Association de Gestion de l’Environnement de la Formation en Martinique (AGEFMA), organisme satellite de la Collectivité territoriale de Martinique et Jessie Daubahadour-Thénard, chargée de mission auprès du DGS de Saint-Martin.
 
Toutes partagent leurs actions, dans le cadre de la compétence régionale sur l’information métiers et l’orientation, pour adapter les messages aux spécificités des publics ultra-marins, les jeunes comme les demandeurs d’emploi. Ainsi à La Réunion,  Karine Nabénésa proposera des vidéos en créole ou français-créole dans les casques virtuels à 360° qui vont bientôt équiper le bus de l’orientation de la Région.
 
Même préoccupation en Guyane, où la collectivité prépare une plate-forme grand public pour le deuxième semestre 2023 et la sortie de son premier guide d’orientation. Elle prévoit des réunions sur le territoire pour diffuser largement l’ouvrage qui contiendra un focus sur les métiers du social. “Il faut que nos guides soient accessibles au delà du public scolaire”, promet Cécilia Toss-Zulemaro.
 
Les collectivités affichent la même attention qu’en métropole pour le travail partenarial sur l’information métiers, qui repose sur l’information transmise par les Carif-Oref (Réunion Prospectives Compétences à La Réunion), les partenariats avec l’Afpa ou Pôle Emploi. “Il nous faut faire ensemble, en mutualisation, et fédérer les acteurs”, souligne Karine Nabénésa. “Il n’y a pas de concurrence avec l’Éducation nationale,  on travaille en complémentarité”.

 

Lutte contre l’illettrisme et l’illectronisme

L’atelier qui s’est tenu dans l’après-midi a permis de présenter les politiques de lutte contre l’illettrisme et l’illectronisme à Mayotte, en Martinique et à Saint-Martin. Un sujet au cœur du travail qui s’engage sur l’avenir des Pactes régionaux à partir de 2024. Axel Cournede, conseiller de la ministre déléguée à l’Enseignement et à la Formation professionnels Carole Grandjean, a promis “un travail en 2023 avec l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme “pour mieux orienter les achats sur les savoirs de base” et “rompre avec la définition statistique actuelle de l’illettrisme”. Cette stratégie de l’État s’appuiera sur les initiatives locales et la connaissance des publics qui est celle des collectivités, a-t-il promis.

 

Relations avec les entreprises et les OPCO

Avant la conclusion de la journée par Felicidade Perez pour LADOM, le dernier atelier a réuni Marie-Céline Etienne, Directrice de la Formation professionnelle, de l’apprentissage, de l’emploi et de l’Economie sociale et solidaire à la Région Guadeloupe, Jean-Luc Minatchy, son homologue à la Région La Réunion, David Rivière, directeur de Réunion Prospectives Compétences et Ursula Folk, directrice générale de Transitions Pro Guyane.

La Région La Réunion a pu présenter son Observatoire régional emploi-formation, dont la vocation est d’agréger et croiser les données emploi-formation, afin de permettre un regard contextualisé sur le territoire. Mobilisant plus de 40 bases de données, le SyOP permet à partir d’un important travail de data reporting, une lecture synthétique et approfondie des principaux indicateurs de la relation emploi formation. Un outil au service des professionnels de la formation, pour construire les actions au plus près des besoins des territoires et des entreprises.

En conclusion, les Outre-mers ont quitté ces intenses journées cannoises avec la volonté de “construire une communauté plus resserrée pour échanger sur ce qui est fait et dupliquer les bonnes pratiques”, comme l’a résumé Jennifer Linon. Une expérience à renouveler en métropole ou en Outre-mer.

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