Kamel CHIBLI, Marie-Florence BULTEAU-RAMBAUD et Atissar HIBOUR représentaient Régions de France au séminaire contributif sur la persévérance scolaire du 2 au 4 avril à La Réunion.
Cette initiative unique en Europe a reçu le soutien de Régions de France par sa dimension à la fois locale et internationale et son caractère innovant.
La persévérance et le décrochage scolaire sont des enjeux majeurs à La Réunion. Chaque année, 3 100 mineurs décrochent à La Réunion selon l’INSEE.
Un « Peer-review » de novembre 2023 organisé par la Région avec la participation de 8 acteurs européens du domaine éducatif, politique et de l’emploi avait identifié les fragilités : le manque de lisibilité des dispositifs existants, l’absence de coordination et de gouvernance entre les acteurs, et une insuffisance dans l’évaluation et le suivi des mesures en place. Il a également souligné la nécessité d’une approche préventive et d’une meilleure communication entre les communautés locales et les institutions.
Le séminaire organisé par la Région et le rectorat avait pour objectif d’élaborer un plan d’action pluriannuel pour développer la persévérance scolaire des jeunes Réunionnais.
Une méthode venue du Québec
Il a réuni pendant 3 jours plus de 150 participants, chercheurs, experts de 7 pays européens (lien vers l’article) et acteurs de l’île : Département, directeurs d’établissements, enseignants, familles, entreprises, élus, associations, jeunes, parents d’élèves… Régions de France était partenaire de l’événement et bien représenté par Kamel CHIBLI, président délégué de la Commission Education-Orientation et Vice-Président de la Région Occitanie, Marie-Florence BULTEAU-RAMBAUD, Vice-Présidente de la Région Sud et Atissar HiBOUR, présidente de la Commission Lycée Durable et Éducation de la Région Grand Est.
Une méthode originale très pratiquée au Québec a été utilisée : celle des tables de concertation. Elle a favorisé le dialogue et la coordination des actions.
Les élus des trois Régions ont partagé leurs expériences et travaux respectifs, avec comme principal objectif une orientation choisie et non subie.
Une compétence État-Région
Les Régions contribuent à la lutte contre le décrochage dans le cadre des compétences qu’elles exercent en vertu de la loi du 5 mars 2014. Elle leur a confié l’animation du Service public régional de l’orientation ainsi que la mise en œuvre et la coordination des actions de prise en charge des jeunes sortis du système scolaire sans diplôme et sans niveau de qualification suffisant. Les Régions exercent cette compétence en lien avec les acteurs académiques.
La politique menée depuis dix ans avec les Plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs (PSAD) a produit des effets avec la baisse du nombre de jeunes qui sortent chaque année sans qualification du système scolaire.
La Cour des Comptes le reconnait dans son rapport annuel (publié le 19 mars 2025) : en réunissant les acteurs locaux (missions locales, CIO…), les PSAD jouent un rôle essentiel pour identifier les jeunes, examiner leur situation et en leur proposer des solutions.
Elles ont eu des effets très positifs dans les territoires, en rapprochant les acteurs et en surmontant la méfiance qui pouvait exister entre les services académiques et les missions locales.
Ainsi en Région Occitanie la région est maillée de 20 PSAD afin d’être au plus près des bassins de vie et des acteurs de terrain.
Un échec collectif
Malgré tout ce travail, nous ne pouvons nous satisfaire du bilan des 10 dernières années dans la lutte contre le décrochage, a estimé Kamel CHIBLI.
C’est écrit dans le rapport de la Cour des Comptes : sur les 150.000 jeunes qui relèvent de l’obligation de formation, 42.300 ont bénéficié d’une solution proposée par l’Education nationale en 2022-23
Sur les jeunes suivis en mission locale, 58% n’ont pas trouvé de solution en 2023 : cela représente 97.734 jeunes.
A l’université 17% des étudiants sortent sans diplôme dès la première année d’études. L’échec en 1er cycle universitaire coûte chaque année 534 millions d’euros, chiffre la Cour des comptes.
Pour Régions de France la première raison de cet échec collectif est à trouver dans l’incapacité de l’État à piloter dans la durée l’obligation de formation des 16-18 ans. Depuis la loi de 2019 qui l’a instituée, le comité de pilotage interministériel, dont Régions de France fait partie, ne s’est réuni qu’une fois.
Le manque de fiabilité des données issues du Système interministériel d’échange d’information (SIEI) est un obstacle rédhibitoire. Les Régions attendent telle l’arlésienne le nouveau « SI communautaire » qui nous est promis depuis 2021 par le ministère pour permettre aux acteurs de disposer enfin des données fiables en temps réel sur les jeunes en situation de décrochage.
Pour une nouvelle approche
La prévention du décrochage requiert une nouvelle approche Etat-Régions. Cela passe pour l’Etat, par le renforcement des mesures d’accompagnement visant la persévérance scolaire : ces politiques doivent être sanctuarisées.
Mais surtout, les Régions croient en la prévention pour réussir la persévérance scolaire. Cela passe par leur compétence sur l’information métiers : en allant vers les jeunes, on peut les remobiliser sur un projet d’orientation vers un métier qui les motive. Ce travail commence au collège. C’est l’exemple des salons ID Métiers de la Région Occitanie ou des compétitions des métiers WorldSkills… Ces actions qui valorisent et promeuvent les métiers accessibles par la voie professionnelle contribuent au quotidien à prévenir le décrochage.
Nous aimerions avoir les moyens de faire plus encore : cela nécessite d’attribuer la compétence pleine et entière des Régions sur l’orientation et l’information métiers, ont rappelé les élus.