Transition écologique et souveraineté industrielle sont bien plus compatibles qu’on ne le croit.
Dans un monde en transformation où les rapports de force politiques et économiques sont remis en question, la compétitivité et la souveraineté européenne sont deux enjeux primordiaux qui reposent notamment sur la réindustrialisation et la décarbonation.
Une urgence rappelée par le rapport remis à la Commission européenne en septembre 2024 par Mario Draghi dans lequel l’ancien président de la Banque centrale européenne souligne la nécessité vitale pour l’Union européenne de se doter d’une véritable stratégie industrielle. Les énergies renouvelables, et plus particulièrement le gaz vert, doivent y occuper une place essentielle.
Concilier décarbonation et réindustrialisation, un défi vital pour la France et l’Europe
Longtemps considérées comme incompatibles, la réindustrialisation et la décarbonation s’imposent aujourd’hui comme les deux faces d’une même ambition : bâtir une industrie souveraine, innovante et responsable.
La bonne nouvelle est que cette transition est déjà en route, avec en ligne de mire la neutralité carbone fixée à 2050. De nombreuses solutions sont d’ores et déjà exploitées. Parmi elles, le gaz s’impose comme un atout incontournable grâce à l’accélération des gaz renouvelables et au développement des technologies d’efficacité énergétique et de capture de carbone.
Les solutions gaz pour la décarbonation de l’industrie sont à découvrir plus en détail dans cet article.
L’industrie, un secteur très énergivore
En France, l’industrie est l’un des plus gros consommateurs d’énergie. À elle seule, elle représente 20 % de la consommation finale totale nationale. Les entreprises du secteur consomment principalement deux sources d’énergie : l’électricité et le gaz naturel représentent plus de 70 % de l’énergie consommée. Cela s’explique par l’utilisation intensive du gaz naturel dans des secteurs tels que la chimie, les matériaux et l’agroalimentaire, tandis que l’électricité est largement employée dans la totalité des équipements industriels. Elle place de fait le gaz et le gaz vert comme des leviers essentiels de la décarbonation des infrastructures industrielles du pays.
Pourquoi ce besoin si élevé en énergie ?
La forte consommation en énergie du secteur industriel s’explique par plusieurs raisons :
La nature des processus de transformation
Beaucoup de processus industriels, comme la métallurgie, la verrerie, la céramique ou encore la production de ciment, nécessitent des températures très élevées, souvent supérieures à 1 000°C. Chauffer ces matériaux consomme énormément d’énergie, souvent sous forme de gaz et d’électricité. Mais pas seulement.
La production de vapeur, par exemple, concentre également une grande part de la consommation énergétique d’industries telles que la chimie, l’agroalimentaire et le papier-carton. La vapeur y est utilisée pour plusieurs actions essentielles comme chauffer les matières premières et cuire certains produits ; générer de l’électricité et alimenter les machines ; éliminer l’humidité dans la fabrication du papier, des aliments et des produits chimiques ; faire fonctionner des pistons et des machines hydrauliques ou encore, tout simplement, désinfecter les équipements et les surfaces.
Le rendement énergétique souvent faible
Certains procédés industriels ont encore un faible rendement énergétique, gaspillant une partie de l’énergie sous forme de ce que l’on appelle « chaleur fatale ».
L’utilisation intensive de machines
L’industrie utilise des équipements lourds pour chauffer, découper, mouler et assembler des matériaux, qui consomment beaucoup d’électricité et de combustibles fossiles.
Le transport des matières premières et produits finis
Acheminer les ressources vers les usines et distribuer les produits finis nécessitent des camions, des trains et des navires, qui brûlent du carburant.
Les besoins en chauffage, refroidissement et éclairage
Les usines et entrepôts ont besoin de systèmes de climatisation, de chauffage et d’éclairage pour assurer des conditions de travail adéquates.
L’impact environnemental du secteur industriel
À l’heure où la France veut retrouver sa souveraineté économique, elle doit en parallèle réduire ses émissions de gaz à effet de serre pour respecter ses engagements climatiques.
Un défi de taille quand on sait que l’industrie représente à elle seule 20 % des émissions de CO₂ dans l’Hexagone, soit 78 millions de tonnes par an, incluant les procédés industriels et la combustion d’énergie dans les usines.
Le secteur est ainsi le 3e plus gros émetteur de gaz à effet de serre en France, derrière les transports et l’agriculture.
Connaître l’état des lieux des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie…
Des objectifs ambitieux pour accélérer la transition énergétique
Fort de ce constat et face à l’urgence climatique, l’industrie française s’engage activement dans la transition énergétique, en ligne avec la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). L’objectif fixé est ambitieux : réduire de 35 % les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 sur le territoire national, et de 81 % d’ici 2050 par rapport à 2015.
Parcourez la feuille de route de la Stratégie nationale bas carbone pour en savoir plus.
Les leviers de la décarbonation
En France, compte tenu de notre héritage nucléaire, le passage au « tout électrique » est souvent présenté par les pouvoirs publics comme la seule approche valable pour atteindre nos objectifs de décarbonation. Toutefois, et bien qu’elle y ait évidemment un rôle majeur à jouer, l’électrification n’est pas toujours une solution techniquement et économiquement viable pour décarboner l’industrie hexagonale et d’autres solutions sont privilégiées par les industriels.
On vous explique pourquoi.
Avec des consommations de gaz et d’électricité équivalentes et représentant chacune plus d’un tiers de l’énergie utilisée par l’industrie française, la marche à franchir pour que l’électricité couvre l’ensemble des besoins du secteur paraît très haute. Et c’est sans compter sur la nature même de certains processus qui rendent la transformation difficile.
L’électrification
Si le passage à l’électricité de certaines activités industrielles de la France présente un intérêt indéniable, il fait face à des questionnements techniques et économiques qui dépassent la seule problématique du volume d’énergie à produire :
La disponibilité et la capacité du réseau
Des investissements colossaux sont nécessaires pour moderniser les infrastructures électriques. RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, a récemment annoncé qu’il prévoyait d’investir 100 milliards d’euros d’ici 2040 pour le renforcer, le raccorder, le redimensionner et l’adapter au changement climatique. Plus de la moitié de cet investissement est destinée à connecter au réseau de nouveaux centres de consommation, comme les data centers, et à intégrer des sources d’énergie bas-carbone, notamment le nucléaire et les énergies renouvelables.
Le prix
Les tarifs d’électricité sont souvent encore plus élevés que ceux du gaz naturel ou d’autres sources fossiles, en raison des taxes et des coûts de production associés. Surtout, les fluctuations des prix de l’électricité, notamment en période de forte demande, rendent difficile la maîtrise des coûts à long terme pour les industriels.
La flexibilité
Grâce à ses infrastructures existantes, le réseau de gaz permet de stocker facilement l’énergie – y compris renouvelable – et de la rendre disponible rapidement. Le stockage de l’électricité et les réponses ponctuelles aux pics de consommation sont eux, beaucoup plus compliqués, en dehors des centrales au gaz ou au charbon et exception faite de gigantesques batteries, très coûteuses et pas encore disponibles.
Les spécificités sectorielles
Certains secteurs industriels comme celui des matériaux ou de la métallurgie nécessitent des températures très élevées pour leur processus de production. L’électricité, bien que polyvalente, n’est pas toujours adaptée pour générer ces températures sans un coût très important.