Les Régions renouvellent leur opposition au projet de loi sur le plein emploi adopté ce jour au Conseil des ministres : elles s’emploieront à convaincre députés et sénateurs de réécrire ce texte flou, régressif et recentralisateur.
Ce texte est flou, en ce qu’il ajoute à la complexité de l’organisation de la formation professionnelle, une gouvernance à chaque étage, sans apporter aucun élément de meilleure répartition des rôles ni de clarté vis-à-vis des demandeurs d’emploi.
« Les collectivités attendent une décentralisation claire et des transferts de compétence effectifs. La régionalisation des compétences de l’emploi et la formation professionnelle est un modèle efficient, clair et conforme à celui de la plupart des autres pays européens : il reste pour elles le seul moyen d’atteindre demain le plein-emploi dans notre pays et au meilleur coût », déclare Carole DELGA, présidente de Régions de France.
« Positionner France Travail comme opérateur et en aucun cas dans la gouvernance doit être inscrit dans la loi pour éviter les atermoiements. L’action publique n’a rien à gagner dans la confusion des responsabilités. En outre, la formation est une compétence historique de la Région, et ce serait un casus belli pour elles de ne pas exercer la coprésidence de France Travail au niveau local », mettent en garde François BONNEAU, président de la Commission Education-Orientation-Formation-Emploi de Régions de France, et David MARGUERITTE, président délégué la Commission Formation-Emploi.
Ce texte est régressif, en ce qu’il entend standardiser la gouvernance et les outils, contre les logiques de territorialisation et d’adaptation par les acteurs locaux. L’articulation entre le niveau local et régional est essentielle pour gagner la bataille du plein emploi : c’est ce que démontrent chaque jour les instances constituées par les Régions, telles les CLEFOP en Pays de la Loire, les CODEVE en Centre-Val de Loire, ou encore les CATEF en Normandie, etc. C’est dans cette capacité d’adaptation aux territoires, aux enjeux économiques, sociaux, géographiques que résident les solutions pour lever les freins vers l’emploi. La standardisation de la gouvernance, des outils et des méthodes n’est jamais porteuse de solutions adaptées face à la singularité de chaque bassin de vie et d’emploi.
Ce texte est recentralisateur, car il entraîne une nouvelle perte de compétence des Régions au profit d’une recentralisation par les outils et la gouvernance. Avec cette loi, la compétence exclusive des Régions sur la formation professionnelle des demandeurs d’emploi, issue de 40 ans de décentralisation, devient une compétence partagée État-Région. La Région se réduira demain à un rôle d’opérateur de l’État, via les Pactes régionaux d’investissement dans les compétences, dont la deuxième génération est annoncée à partir de 2024.
A défaut d’une réforme qui confierait à l’État la définition de l’ambition nationale et aux Régions la pleine responsabilité de la conduite des politiques de l’emploi et de la formation professionnelle, Régions de France propose l’inscription dans la loi de leur rôle d’Autorités organisatrices de la formation professionnelle, en lien étroit avec les partenaires sociaux. Elles proposent également de supprimer toute confusion entre le réseau chargé de la gouvernance et l’opérateur France Travail.
Dans le détail sur le volet formation, les Régions proposent d’amplifier les quelques avancées issues de la concertation GUILLUY sur la nouvelle Préparation opérationnelle à l’emploi (POE) simplifiée et articulée à la contractualisation État-Région, et l’achat des formations collectives par les Régions et elles seules. Cela passe notamment par :
- Une mobilisation de la Préparation opérationnelle à l’emploi individuelle (POEI)- Action de formation préalable au recrutement (AFPR) concertée dans le cadre du Comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (CREFOP).
- Le pilotage des Préparations opérationnelles à l’emploi collectives (POEC) par les Régions ou leur réintégration dans le programme régional de formation (avec l’enveloppe et les moyens de gestion) ;
- Le pilotage par les Régions de l’achat des formations destinées aux personnes en situation d’illettrisme/illectronisme ou des formations en compétences générales, et l’État n’intervient que si une Région décide de ne pas se saisir de la compétence ;
- La suppression de la notion de « marché national formation à distance » qui vient concurrencer et déstabiliser l’éco-système régional et ne favorise pas une suite de parcours territorialisés pour les stagiaires.
En matière de gouvernance, les Régions soutiendront auprès du Parlement un ensemble de mesures :
- Garantir une co-présidence État-Région au niveau local, avec la possibilité pour les Régions qui le souhaitent de confier la coprésidence à une autre collectivité « selon accords ou usages locaux », comme le proposait le rapport GUILLUY.
- La présidence par les collectivités des comités France Travail ne peut être soumise à la signature d’une charte d’engagements. Les collectivités ne sauraient être soumises à des décisions de conférences des financeurs et ne sont pas des opérateurs de l’État !
- Au niveau régional, supprimer la dérogation inutile sur le Comité France Travail qui pourra reprendre les missions du CREFOP avec un accord préalable du préfet et de la Région…
- Les Régions demandent également à être représentées au comité départemental, pour proposer des “parcours sans couture” d’insertion jusqu’à l’emploi aux personnes qui en sont les plus éloignées, et en particulier aux bénéficiaires du RSA.
- Enfin au niveau national modifier la composition du conseil d’administration de l’opérateur France Travail dans le respect du quadripartisme. A ce stade le CA de l’opérateur reste le même que celui de Pôle emploi, avec un seul siège de titulaire pour les Régions.