Les Régions prennent acte des deux rapports issus des missions confiées à Eric WOERTH et Boris RAVIGNON, dont nombre de constats comme des recommandations figuraient déjà tant dans le Livre Blanc des Régions de 2021 que dans les propositions formulées lors du Congrès des Régions à Marseille, en 2018, qui avait été le cadre de la création de Territoires unis. Restaurer la confiance entre l’Etat et les collectivités territoriales, réformer l’organisation de l’Etat pour renforcer sa déconcentration, donner davantage de pouvoir d’agir aux collectivités pour rendre un meilleur service public aux Français, lutter contre les doublons et les enchevêtrements autant que contre la parcellisation des compétences de l’Etat en de nombreuses agences… Il s’agit, au fond, tout autant de l’enjeu démocratique de renouer le lien entre les citoyens et l’action publique que de rendre le service public plus performant et mieux administré.
Les nombreux travaux de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, de l’Assemblée nationale, ceux de la Cour des comptes et de nos associations, sur les coûts liés à la surcharge de normes nouvelles, à l’enchevêtrement des compétences comme à l’absence de réforme de l’État pour tirer toutes les conséquences de la décentralisation, ou encore à l’inefficience de la suradministration de certaines politiques publiques, établissaient et chiffraient déjà ces constats.
Le matériau existe, il est aujourd’hui plus complet encore. Il est donc temps de passer de la parole aux actes.
Régions de France attend des débats à venir sur une réforme territoriale le renforcement du pouvoir d’agir des Régions, qui passe par davantage d’autonomie réglementaire, d’autonomie fiscale et une pleine capacité à exercer leurs compétences dans la proximité. C’est, en substance, le fil conducteur du rapport WOERTH.
Qu’il s’agisse de préciser la notion de collectivité chef de file opérationnelle, de renforcer « puissamment » leur pouvoir d’agir en matière de développement économique et de tourisme, de transition écologique ou encore d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation, de conforter leur rôle prépondérant en matière de transports et de mobilités ou encore de formation professionnelle et d’emploi, les Régions soutiendront, lors de la concertation puis des débats parlementaires, les propositions d’Eric WOERTH qui permettront d’améliorer l’efficacité de l’action publique.
Les Régions soutiennent également la stabilité prônée par le rapport sur leur périmètre géographique actuel et, au-delà, sur l’intérêt qui s’attache à porter à leur pleine dimension les réformes récentes, qui visaient déjà à élargir leurs compétences de planification et d’action sur une échelle de territoire agrandie. Elles prennent acte également des mesures proposées visant à davantage d’adéquation entre les compétences exercées et les ressources nécessaires à leur financement. Compte tenu de la complexité de ce type de mécanisme, cette évolution des recettes des différentes collectivités devra être précédée d’une étude d’impact afin de mesurer leurs effets immédiats et leur évolution dans le temps.
Pour conforter la gouvernance des collectivités locales, il importe également de garantir une stabilité du mode d’élection ainsi que la capacité à constituer des majorités cohérentes pour l’exercice des compétences. A cet égard, Régions de France s’opposera à une nouvelle réforme électorale visant à créer un conseiller territorial.
Une telle réforme introduirait une nouvelle confusion entre les compétences régionales et départementales. Les Départements et les Régions sont désormais des collectivités spécialisées : à ce titre, leurs compétences sont désormais très différentes, pour répondre aux enjeux de chacune des échelles de territoire. La création du conseiller territorial constituerait une régression, en cantonalisant les enjeux régionaux tout en remettant en cause la parité au sein de l’assemblée régionale. Le mécanisme de pénalité envisagé est d’ailleurs flou et inopérant.
La création du conseiller territorial affaiblirait la représentation démographique de la ruralité et la représentativité dans les grandes Régions tout en augmentant dans d’autres de près de 30% le nombre des élus. Enfin et plus largement, cette proposition, directement issue des engagements de la dernière campagne présidentielle, aura pour effet d’affaiblir les présidents d’exécutifs régionaux et départementaux et, à travers eux, les collectivités territoriales. Ce type de manoeuvre aboutit le plus souvent à ajouter de la confusion au moment des scrutins et à favoriser l’abstention.
En parallèle, Régions de France sera attentive au respect de l’engagement pris auprès de la collectivité de Corse sur le projet « d’écriture constitutionnelle » et aux travaux de la mission confiée à M. Pierre Egea et M. Frédéric Montlouis-Félicité visant à présenter des propositions en matière d’évolutions institutionnelles et de décentralisation en outre-mer. Ces propositions devront s’inscrire en cohérence avec celles de la mission WOERTH et prendre en considération toutes les spécificités de l’exercice des compétences d’action publique outre-mer.
Enfin, les Régions partagent la conviction qui traverse ces deux rapports : la décentralisation, c’est-à-dire « le partage du pouvoir entre l’Etat et les collectivités territoriales » exige non seulement une réforme technique touchant aux compétences autant qu’aux conditions techniques, financières et règlementaires de leur exercice, qu’à l’esprit des relations entre ces différents échelons et avec les citoyens.
Pour Carole DELGA : « Ces deux rapports appellent à une transformation profonde de la relation entre l’État et les pouvoirs locaux, reposant sur la confiance, les libertés et la responsabilité. Les Régions plaidaient dans leur livre blanc, en 2021, pour une République de la confiance. Il est plus que temps d’engager aussi cette réforme dans l’intérêt du pays ».