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25 mai 2023

[Communiqué] « France Travail » : un projet flou, régressif et recentralisateur

Bonneau, Margueritte, Chibli

Les Régions ont exprimé leur opposition au projet de loi sur le plein emploi lors de son examen cet après-midi par la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) et le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), dénonçant un projet France Travail flou, régressif et recentralisateur.

Bonneau, Margueritte, Chibli

 

Sur la forme, les Régions, pourtant compétentes pour l’emploi et la formation professionnelle, déplorent en premier lieu la méthode unilatérale retenue par le Gouvernement : suite à la remise du rapport GUILLUY le 19 avril et contrairement aux engagements pris, elles n’ont pas été consultées par le ministre du Travail sur le projet de loi, qu’elles ont découvert par la presse le 11 mai. Le texte ne leur a été présenté que le 17 mai matin par le cabinet du ministre du Travail, dans sa version transmise la veille au Conseil d’État.

Sur le fond, la rédaction du texte retenue en l’état confirme les craintes de recentralisation exprimées depuis septembre 2022 par les Régions sur le projet France Travail, une réforme floue, laissant augurer une régression des dispositifs de formation et de leur gouvernance.

 

Une nouvelle perte de compétence des Régions au profit d’une recentralisation par les outils et la gouvernance

Avec cette loi, la compétence exclusive des Régions sur la formation professionnelle des demandeurs d’emploi, issue de 40 ans de décentralisation, devient une compétence partagée État-Région, intégrée dans un ensemble de contraintes techniques nouvelles et dans une gouvernance complexe. Seules les Régions qui accepteront de signer une « charte d’engagement » au contenu encore inconnu seront habilitées à coprésider avec l’État le comité régional France Travail. Pour les autres, l’Etat décidera donc seul de la politique de formation professionnelle et d’emploi à l’échelon régional.

Dans ces conditions, la compétence formation des Régions se réduirait demain à un rôle d’opérateur de l’État, tel que défini à l’article 7 alinea 1b du projet de loi, relatif aux Pactes régionaux d’investissement dans les compétences, dont le ministre annonce le renouvellement à partir de 2024.

Tout au long de la concertation sur le rapport GUILLUY, les Régions ont proposé un modèle alternatif, clair et conforme à celui de la plupart des autres pays européens : une décentralisation claire vers les Régions de la responsabilité en matière de formation professionnelle et d’emploi.

À défaut d’une réforme qui confierait à l’État la définition de l’ambition nationale et aux Régions la pleine responsabilité de la conduite des politiques de l’emploi et de la formation professionnelle, Régions de France propose l’inscription dans la loi de leur rôle d’Autorités organisatrices de la formation professionnelle, en lien étroit avec les partenaires sociaux.

 

Une réforme floue, qui affaiblit également le rôle des partenaires sociaux

Le projet de loi sur le futur réseau France Travail, qui ajoute de nouvelles couches au millefeuille territorial, porte en outre la marque de la recentralisation.

En l’état, le texte alimente le mélange des genres, que les Régions n’ont cessé de dénoncer, entre le réseau et l’opérateur France Travail : l’opérateur ne doit pas faire partie de la gouvernance, il peut préparer les décisions, proposer, et surtout il doit mettre en œuvre sur la base des priorités arrêtées par les instances de gouvernance.

Le projet de loi ne donne pas aux Régions les garanties qu’elles attendent sur le respect de leurs compétences formation, orientation et développement économique.

Elles constatent que les avancées issues de la concertation conduite par T. GUILLUY sur l’achat des formations collectives par les Régions ont même été supprimées. C’était la proposition #60 du rapport qui articulait une nouvelle Préparation opérationnelle à l’emploi (POE) simplifiée à la contractualisation État-Région, notamment avec les formations collectives « qui sont de la responsabilité des Régions et achetées par elles seules », selon le rapport.

Rare point positif, le comité France Travail régional est institué au sein du Comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP), coprésidé comme aujourd’hui, par le président du conseil régional et le préfet de Région. Mais par dérogation, le Comité France Travail pourra reprendre les missions du CREFOP avec un accord préalable du préfet et du président de Région…

Les Régions attendent que soient simultanément garantis le quadripartisme qui place les partenaires sociaux au cœur des politiques de l’emploi et de la formation professionnelle et leur rôle dans la nouvelle gouvernance stratégique proposée pour France Travail :  la co-présidence État-Région au niveau régional, et un comité régional composé des membres actuels des CREFOP, au premier rang desquels les partenaires sociaux au nom du quadripartisme.

 

Une réforme régressive qui entend standardiser la gouvernance et les outils, contre les logiques de territorialisation et d’adaptation par les acteurs locaux

L’articulation entre le niveau local et régional est essentielle pour gagner la bataille du plein emploi : c’est ce que démontrent chaque jour les instances constituées par les Régions, telles les CLEFOP en Pays de la Loire, les CODEVE en Centre-Val de Loire, ou encore les CATEF en Normandie, etc. C’est dans cette capacité d’adaptation aux territoires, aux enjeux économiques, sociaux, géographiques que résident les solutions pour lever les freins vers l’emploi. La standardisation de la gouvernance, des outils et des méthodes n’est jamais porteuse de solution adaptées face à la singularité de chaque bassin de vie et d’emploi.

À cet égard, il est intéressant de noter que le premier protocole, pourtant dit de « préfiguration » de France Travail en Région, préparé avec la Région Hauts-de-France est beaucoup plus avancé que le projet de loi lui-même, en ce qu’il prévoit d’expérimenter un comité local coprésidé par l’État et la Région.

Pour mieux adapter les politiques de l’emploi et de la formation professionnelle aux réalités régionales, départementales et locales, les Régions demandent que soit installée une co-présidence État-Région aux niveaux régional et local. Et au niveau local, avec la possibilité de confier la coprésidence à une autre collectivité « selon accords ou usages locaux », comme le proposait le rapport GUILLUY, dans une autre proposition écartée par le Gouvernement.

Les Régions demandent également à être représentées au niveau départemental, pour proposer des “parcours sans couture” d’insertion jusqu’à l’emploi aux personnes qui en sont les plus éloignées, et en particulier aux bénéficiaires du RSA.

 

Une désagréable impression de déjà vu

Sept Régions ont manifesté leur intérêt pour expérimenter la gouvernance et les missions de France Travail. Elles le feront seulement si cela permet de sécuriser le rôle de la Région et éviter la verticalisation.

« La formation professionnelle des demandeurs d’emploi est une compétence historique et fondamentale des Régions. Ces dernières ne sont pas des sous-traitantes de l’État et ne se laisseront pas faire », déclare François BONNEAU, président de la Commission Formation-Emploi de Régions de France.

« Au final, nous avons une très désagréable impression de déjà vu, qui nous rappelle la loi de 2018 et la recentralisation de l’apprentissage », souligne David MARGUERITTE, président délégué de la Commission précitée. « Entre le souhait du président de la République d’une ‘vraie décentralisation’ et ce projet de loi, on ne peut faire plus contradictoire entre la parole et les actes ».

Communiqué de presse

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